5 obstacles au soulagement efficace de la douleur chez les chiens

Posted by Publié par Joanna Woodnut, MRCVS

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Il nous est tous déjà arrivé de grimacer en palpant les hanches d'un chien arthrosique, sachant qu'il s'ensuivrait une conversation difficile avec les propriétaires pour les amener à réaliser que leur chien souffrait. C'est un scénario assez courant dans la pratique et, malheureusement, de nombreux propriétaires ont du mal à déceler la douleur chez leur animal. Le World Small Animal Veterinary Association (WSAVA) Global Pain Council reconnaît qu'il s'agit d'un problème (1), mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle les animaux ne sont pas soulagés de leur souffrance.

Le sondage mondial de la WSAVA sur la douleur a révélé que les deux tiers des participants (sociétés vétérinaires) estimaient qu'il existait des points de vue bien ancrés qui limitaient la prise en charge de la douleur, et que ces points de vue émanaient des propriétaires d'animaux et des vétérinaires (2). Bien que la non-reconnaissance de la douleur soit l'une des raisons les plus courantes pour lesquelles un analgésique n'est pas administré, le WSAVA cite spécifiquement les idées reçues sur la douleur comme l'un des obstacles au soulagement adéquat de celle-ci.

Grâce à une meilleure compréhension de la douleur chez les espèces vétérinaires et à l'éducation, ces croyances s'estompent dans de nombreuses régions du monde. Cependant, il est important d'être conscient de ces points de vue et de s'en méfier afin de fournir des soins optimaux aux patients. La grande majorité des propriétaires se soucient de leur animal et ne veulent pas qu'il souffre ; ils ont simplement besoin d'aide pour comprendre les signes et la manière de les prendre en charge. Examinons de plus près les conceptions erronées de la douleur chez les chiens et la manière de rétablir les faits.


5 croyances au sujet de la douleur chronique chez les chiens


1. Si un animal ne pleure pas, c’est qu’il ne souffre pas

Beaucoup d'entre nous ont entendu des propriétaires dire quelque chose du genre : « Il est un peu raide, mais il ne souffre pas... il ne gémit pas ou quoi que ce soit. » À première vue, cette idée est étrange. Après tout, les personnes souffrant d'arthrose sévère ne crient pas à chaque mouvement. Mais il s'agit d'une idée reçu tenace qui nécessite beaucoup d'éducation pour être renversée. 

En réalité, de nombreux chiens supportent leur souffrance sans la manifester. Ce sont leurs changements de comportement qui révèlent ce qu'ils ressentent réellement. Les propriétaires d'animaux ont besoin d'aide pour comprendre que ces changements ne sont pas simplement le résultat du "vieillissement" et qu'ils sont en fait des signes de douleur, même si leur chien ne geint pas. Les vétérinaires peuvent aider à éduquer les propriétaires d'animaux afin qu'ils sachent quels changements comportementaux observer à la maison, l'environnement naturel de leur animal. C'est l'occasion idéale d'observer ses activités quotidiennes et de surveiller les changements, même s'ils sont subtils. Il est plus difficile d'observer ces changements lors d'une visite chez le vétérinaire, en raison du temps et de l'espace limités et du comportement différent de l'animal.

L'utilisation d'un instrument de métrologie clinique validé (outil d'évaluation de la douleur chronique) dans votre pratique est un excellent moyen de soutenir la conversation et de présenter un score visuel qui peut aider les clients à réaliser que leur chien souffre. Il existe de nombreux questionnaires validés sur la douleur chronique chez le chien (la WSAVA en a compilé une liste ici).


2. Les animaux ne ressentent pas la douleur comme nous

En tant que vétérinaires, nous savons que les animaux ressentent la douleur; d’ailleurs les découvertes de similarités entre la douleur chez l'homme et chez l'animal ne cessent de croître. Dans une étude récente, des chiens souffrant depuis longtemps de douleurs liées à l'arthrose ont montré une sensibilité somatosensorielle accrue, ce qui indique probablement une sensibilisation centrale (3). Cela confirme que le modèle spontané d'arthrose canine est un bon modèle translationnel de la douleur arthrosique humaine (3). On a également constaté que la douleur associée aux maladies articulaires perturbait le sommeil chez les chiens (4). La différence est que les chiens ne manifestent et ne communiquent pas nécessairement la douleur de la même manière que les humains, et c'est ce que nous devons expliquer aux propriétaires. Même chez les prédateurs sociaux comme les chiens, les signes manifestes de douleur sont limités. Au lieu d'attendre des chiens qu'ils nous démontrent qu'ils sont incommodés, nous devons aider nos clients à reconnaître les expressions et les comportements qui indiquent que leur chien souffre.

La perception des différences de sensibilité à la douleur entre les races peut également influencer la reconnaissance et le traitement de la douleur chez les chiens. Dans un récent sondage en ligne, plus de 90 % des personnes interrogées, qu'il s'agisse du grand public ou de vétérinaires, ont indiqué qu'elles pensaient que les races de chiens différaient en termes de sensibilité ou de réaction à la douleur (5). Les propriétaires d'animaux de compagnie pensent à tort que les chiens plus petits et plus légers sont plus sensibles à la douleur que les chiens plus grands et plus lourds. Bien que chaque individu puisse ressentir la douleur différemment, la race et la taille du patient ne doivent pas influencer l'évaluation de la douleur.

3. L'administration d'analgésiques masque la douleur et les animaux pourraient se lancer dans des activités trop intenses.

Aujourd'hui, les AINS sont la pierre angulaire du traitement de l'arthrose canine. Avec une large gamme d'AINS à leur disposition, des traitements d'appoint et des options non médicamenteuses, les praticiens disposent de nombreuses options pour assurer le confort des chiens. Toutefois, certains clients pensent à tort que s'ils soulagent la douleur de leur chien, celui-ci risque de faire trop d'exercice et de se blesser davantage. Il s'agit là d'une ancienne perception vétérinaire. Cette théorie dépassée consiste à laisser l'animal souffrir pour l'empêcher de faire de l'exercice. Cependant, même en cas d'arthrose, il est important de faire de l'exercice pour maintenir les articulations en bonne santé et renforcer les muscles qui les soutiennent. Le niveau d'activité d'un chien peut être contrôlé par d'autres méthodes plus humaines, telles que l'exercice en laisse uniquement pour les animaux souffrant d'arthrose ou le repos en cage à court terme et la restriction de l'espace après une intervention chirurgicale.

L'exercice thérapeutique fait partie intégrante des programmes de réadaptation pour les chiens souffrant de douleurs chroniques. Les propriétaires d'animaux peuvent avoir besoin d'aide pour comprendre que les médicaments contre la douleur sont une première étape importante, car ils aident à atténuer la douleur pour rendre l'exercice possible. Donner aux propriétaires d'autres options pour limiter l'exercice intensif ou excessif et leur fournir une liste de choses à faire ou à éviter peut contribuer à obtenir de meilleurs résultats chez le patient.
 

4. La douleur chronique n'affecte que les chiens âgés

Souvent, les clients ne sont pas à l'affût d'une douleur chronique, sauf si leur chien est âgé. Cependant, la douleur chronique peut survenir chez des animaux de tous âges. L'arthrose est souvent considérée comme une maladie de chien âgé alors qu'elle peut se manifester très tôt dans la vie, par exemple chez les chiens présentant des anomalies de développement (luxation de la rotule, dysplasie du coude, dysplasie de la hanche) ou des lésions articulaires. Bien que les lésions articulaires puissent survenir à tout âge, les jeunes chiens énergiques sont les plus à risque. On estime qu'environ 25 % des chiens âgés de plus d'un an souffrent d'arthrose (6). L'utilisation d'un outil de stadification comme le Canine Osteoarthritis Staging Tool (COAST) tôt dans la vie peut aider à surveiller l'arthrose avec plus de précision, en particulier si les patients présentent des facteurs de risque pour la maladie.

Dans certains cas, la chirurgie peut entraîner une douleur chronique, mais il existe des approches adoptées par les vétérinaires pour gérer la douleur de manière préventive et périopératoire afin de réduire le risque que cela se produise. Nous savons très peu de choses sur la possibilité que les chiens souffrent du syndrome douloureux du membre fantôme, mais une étude récente suggère que c'est le cas. Le syndrome du membre fantôme est d'autant plus marqué si la douleur avant l'amputation dure depuis longtemps (7). Les propriétaires d'animaux qui ne connaissent pas les signes de douleur postopératoire chez leur animal risquent de ne pas reconnaître la nécessité d'administrer les médicaments prescrits. Il est essentiel de parler à vos clients de l'importance de la gestion de la douleur, en particulier après une intervention chirurgicale.

La douleur chronique doit également être prise en compte dans le traitement des problèmes de comportement, quel que soit l'âge du patient. Des études récentes ont suggéré qu'au moins un tiers des chiens référés pour des problèmes de comportement souffrent d'une forme de souffrance pouvant expliquer leurs symptômes, et que ce chiffre pourrait atteindre 80 % (8). Lorsque les cliniciens ne sont pas sûrs que la douleur chronique puisse être un facteur, il est possible de combiner l'évaluation faite par le propriétaire avec un essai d'analgésie.

 

5. Il est dangereux de prendre des médicaments tous les jours

Il faut du temps pour parvenir à maîtriser la douleur. Cependant, les clients peuvent être anxieux à propos des effets secondaires des médicaments ou penser que les médicaments quotidiens sont intrinsèquement mauvais ou dangereux. Ils peuvent penser que leur chien n'a pas besoin de médicaments quotidiens ou ne pas reconnaître les signes de la douleur. Ces clients finissent souvent par sauter des doses ou par n'utiliser le médicament que "les mauvais jours", ce qui signifie que le chien ne bénéficie pas d’un soulagement constant de la douleur. Dans certains cas, on encourage cette pratique en prescrivant le médicament "au besoin".

Les vétérinaires peuvent également s'interroger sur la sécurité à long terme des AINS, mais nous savons comment atténuer, gérer et réduire les risques dans la mesure du possible. Nous savons également que la majorité des patients tolèrent bien les AINS et que la crainte de complications n'est pas une raison pour éviter de traiter la douleur. Bien sûr, il est toujours important d'évaluer les bénéfices et les risques pour chaque patient, mais dans de nombreux cas, les bénéfices potentiels des médicaments quotidiens l'emportent sur les risques.

Une analyse de la littérature révisée par des pairs n'a trouvé aucune indication que l'utilisation à long terme des AINS dans le traitement de l'arthrose canine soit associée à une réduction de l'innocuité (9). La majorité des données probantes soutient l'utilisation à plus long terme des AINS pour un effet clinique accru. Bien entendu, tous les chiens ne prendront pas des AINS quotidiennement toute leur vie - cela dépend de chaque patient et de la sévérité du cas. Cependant, le respect du traitement au cours de la période initiale est particulièrement important, afin que le vétérinaire puisse élaborer un plan de prise en charge à long terme à partir de là. Certains chiens, comme ceux atteints d'arthrose sévère, peuvent avoir besoin d'un traitement à vie.

Le temps que vous prendrez pour discuter du profil de sécurité des médicaments choisis et pour expliquer comment vous pouvez atténuer les risques grâce à une pré-évaluation et à un suivi en clinique peut contribuer à apaiser les craintes des propriétaires. Ceux-ci peuvent également garder un œil sur leur animal à la maison et vous informer en cas de problème ou d'inquiétude. Parfois, il suffit de rappeler aux propriétaires que le soulagement de la douleur est un élément important du bien-être, car aucun d'entre nous ne souhaite qu'un animal souffre.

Lorsque l'on aborde d'autres modalités de traitement, telles que l'acuponcture, les remèdes à base de plantes, la physiothérapie, le massage canin et les avancées scientifiques en matière de traitement par cellules souches, les données et les informations disponibles peuvent être exploitées pour évaluer ce qui peut être utile à un patient donné.


Prioriser le soulagement de la douleur chronique chez les chiens

La douleur chronique est sous-diagnostiquée, pourtant il est essentiel de la détecter pour assurer le bien-être de l'animal. Des idées reçues existent tant chez les propriétaires d'animaux que chez les vétérinaires. La douleur étant variable et différente d'un individu à l'autre, de nombreux obstacles s'opposent à un soulagement adéquat de la douleur chez les chiens. Il peut être extrêmement bénéfique d'impliquer les propriétaires d'animaux et d'améliorer leur compréhension de la souffrance chez les chiens. Si les évaluations vétérinaires régulières sont importantes, l'évaluation en clinique n'est qu'une partie de l'histoire. Les propriétaires peuvent jouer un rôle de soutien en surveillant les changements de comportement de leur animal à la maison, dans la cour, au parc. Ils sont comme une paire d'yeux et d'oreilles supplémentaires qui peuvent vous donner toutes les informations dont vous avez besoin pour prendre en charge le patient de la manière la plus efficace possible.

Une bonne solution de rechange consiste à demander aux clients de commencer à soulager la douleur du chien à court terme, par exemple en lui administrant des AINS et en lui faisant faire de l'exercice, afin de voir si les symptômes de l'animal s'améliorent. C'est habituellement le cas, et le client sera alors prêt à parler d'un programme à long terme pour son animal.  

Les vétérinaires jouent un rôle essentiel dans la compréhension de la douleur chronique chez le chien auprès de leur clientèle. Le traitement de la douleur chronique exige que les vétérinaires et les propriétaires d'animaux travaillent ensemble. Bien que certaines idées reçues et préoccupations concernant la douleur persistent, les approches de la prise en charge de la douleur ont, en général, beaucoup progressé. Grâce à de nouvelles recherches et à de nouvelles méthodes d'évaluation, de suivi et de soulagement de la douleur, les progrès sont constants.

 

Clause de non-responsabilité: L'auteur a reçu une compensation de la part d'Elanco Inc. pour les services rendus dans le cadre de la rédaction de cet article.

  1. Guidelines for Recognition, Assessment and Treatment of Pain. The World Small Animal Veterinary Association Global Veterinary Community. Retrieved from https://wsava.org/wp-content/uploads/2020/01/Recognition-Assessment-and-Treatment-of-Pain-Guidelines.pdf 
  2. WSAVA  Global Pain Council 2013 Global Pain Survey. July 5, 2013. Retrieved from https://wsava.org/wp-content/uploads/2020/01/GPC-Survey-Results_July_2013.pdf 
  3. Kňazovický, D. et al. “Widespread somatosensory sensitivity in naturally occurring canine model of osteoarthritis.” Pain 157 (2016): 1325 - 1332. 
  4. Knazovicky, David & Tomas, Andrea & Motsinger-Reif, Alison & Lascelles, B Duncan X. (2015). Initial evaluation of nighttime restlessness in a naturally occurring canine model of osteoarthritis pain. PeerJ. 10.7717/peerj.772.  
  5. Gruen ME, White P, Hare B (2020) Do dog breeds differ in pain sensitivity? Veterinarians and the public believe they do. PLoS ONE 15(3): e0230315. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0230315 
  6. Lascelles D. Joint Pain in Pet Dogs and Cats. International Association for the Study of Pain (IASP) Fact Sheet. 2016. 
  7. Menchetti, M, Gandini, G, et al. Approaching phantom complex after limb amputation in the canine species. Journal of Veterinary Behavior. 2017;22:24-28, https://doi.org/10.1016/j.jveb.2017.09.010 
  8. Mills DS, Demontigny-Bédard I, et al. Pain and Problem Behavior in Cats and Dogs. Animals. 2020; 10(2):318. https://doi.org/10.3390/ani10020318 
  9. Innes JF, Clayton J, Lascelles BD. Review of the safety and efficacy of long-term NSAID use in the treatment of canine osteoarthritis. Vet Rec. 2010;166(8):226-230. doi:10.1136/vr.c97 

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